La Cour des comptes s’intéresse aux soutiens à l’éolien terrestre et maritime

C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a analysé les conditions de mise en œuvre de cette politique depuis 2017, son cadre réglementaire et ses financements.

Alors que prévalait auparavant l’objectif de décarbonation, la guerre en Ukraine a fait ressurgir celui de l’indépendance énergétique et donc de la production. La Commission a annoncé un plan, RepowerEU, visant à rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes avant 2030, notamment en accélérant le déploiement des énergies renouvelables. La Commission a proposé de porter leur part dans la consommation finale brute d’énergie à 45 % en 2030, (contre 22,1 % en 2020) grâce à des capacités de 1 236 GW (contre 1 067 dans le Pacte vert), dont 600 GW nouveaux issus du solaire. Il faut noter que la France avait accepté des objectifs d’implantation des ENR plus ambitieux que ceux de la plupart des autres pays de l’Union Européenne (23% contre 20%). En 2020, la France n’a pas atteint l’objectif fixé par la directive 2009/28/CE concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale. Bien que cette part ait augmenté de 10 % par rapport à 2005, elle s’élève à 19,1 %, ce qui reste en deçà de l’objectif de 23 %. La France n’a donc pas atteint les objectifs européens et nationaux de développement de la production d’électricité d’origine éolienne, ce qui lui coûte cher et l’expose à des sanctions. L’implantation des éoliennes est limitée par de nombreuses contraintes réglementaires, notamment les distances minimales des habitations, les servitudes militaires, aéronautiques et météorologiques, et la taille des parcs.

Source : Cour des comptes

La procédure d’autorisation est complexe, instable, longue et sujette à de nombreux recours contentieux, ce qui décourage les porteurs de projets et retarde la mise en service des parcs. La planification de l’éolien terrestre et maritime est insuffisante, tant au niveau national que régional, et ne permet pas de définir des zones d’implantation optimales et acceptables. Le retour économique et fiscal vers les territoires d’accueil des éoliennes est faible et mal réparti, ce qui suscite des oppositions locales et des demandes de compensation.

L’éolien terrestre bénéficie encore d’un soutien public important, malgré la baisse des coûts de production et l’augmentation des prix de l’électricité, qui rendent certains parcs rentables sans aide. La gestion des soutiens mobilise de nombreux acteurs administratifs ; les trois principaux sont :

  • La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la transition énergétique (MTE)
  • La commission de régulation de l’énergie (CRE)
  • EDF Obligation d’achat (EDF OA)

L’éolien en mer bénéficie également d’un soutien public élevé, qui a toutefois diminué grâce à la mise en concurrence des projets et à la renégociation des tarifs, mais qui reste supérieur à celui d’autres pays européens. Le soutien au raccordement au réseau représente une charge croissante pour l’Etat et les consommateurs, qui devraient être mieux répartis entre les différents acteurs du secteur électrique. Le niveau de soutien justifie une vigilance accrue sur l’économie des parcs, qui n’est pas suffisamment connue ni contrôlée par l’administration, et qui pourrait conduire à des aides surdimensionnées ou à des effets d’aubaine. L’inflation et la hausse des prix de l’énergie ont des effets contrastés sur les dispositifs de soutien, qui devraient être adaptés aux évolutions du marché et aux spécificités des parcs.

La Cour des comptes a ainsi établi une liste exhaustive de recommandations et leurs explications :

En résumé, pour améliorer le processus d’instruction des projets éoliens, il est recommandé de supprimer les arrêts provisoires des demandes complémentaires qui étalent la période d’examen des dossiers. Ainsi, seuls les délais prévus par la réglementation seraient appliqués. Cette mesure est essentielle, surtout dans le contexte de la loi AER du 10 mars 2023, qui fixe une durée maximale de trois mois (pouvant être portée à quatre mois) pour la phase d’examen des installations terrestres de production d’énergies renouvelables dans les zones d’accélération.

En résumé, les chiffres communiqués par l’Office français de la biodiversité (OFB) et synthétisés à partir des rapports d’activité du conseil national de protection de la nature (CNPN) montrent une augmentation du nombre de projets ENR ayant nécessité des avis relatifs aux dérogations espèces protégées en 2018 et en 2019. Cependant, ces chiffres ont ensuite diminué en 2020 et 2021, tout en restant supérieurs aux valeurs d’avant 2017.

La direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) indique qu’environ 20 % des parcs autorisés entre 2016 et 2018 ont fait l’objet d’une dérogation pour espèces protégées. Elle estime que ce pourcentage augmente sensiblement en raison du renforcement de la jurisprudence et du développement éolien sur des sites à forts enjeux de biodiversité.

Cependant, il est regrettable qu’il n’y ait pas de suivi plus précis de la part de l’administration centrale concernant cet élément crucial dans l’instruction des projets éoliens, qui est à l’origine de nombreux recours. Par ailleurs, il serait utile que la DGPR intègre à son analyse une évaluation des modalités d’instruction des dossiers ayant donné lieu à une dérogation, afin de mieux comprendre les pratiques des DREAL (Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).

Le renouvellement ou « repowering » concerne les parcs éoliens arrivant en fin de vie et cherchant à poursuivre leur activité. Actuellement, le parc français n’a pas encore atteint son pic de renouvellement, prévu autour de 2025 selon l’ADEME. Cependant, ce pic pourrait être décalé de quelques années en raison des prix élevés sur le marché de gros de l’électricité.

Pour accélérer l’instruction des dossiers de renouvellement, la loi AER du 10 mars 2023 prévoit que lorsqu’une installation de production d’énergies renouvelables est rééquipée, ses incidences environnementales sont évaluées uniquement en fonction des modifications ou extensions par rapport au projet initial.

Le dispositif introduit par la circulaire du 18 juillet 2018 présente trois inconvénients :

  1. Il ne prend pas clairement en compte la situation des parcs éoliens implantés à moins de 500 mètres des habitations. Le renouvellement de ces parcs pourrait se faire à l’identique dans le cadre d’un porter-à-connaissance.
  2. Aucune des dispositions actuelles, qu’elles soient législatives, réglementaires ou interprétatives, n’exempte le renouvellement à l’identique des parcs situés à moins de 500 mètres des habitations du respect de la règle de distanciation prévue par la loi (article L515-44 du code de l’environnement).

Cela soulève des questions importantes concernant la gestion des projets éoliens et la protection de l’environnement et des populations riveraines.

L’organisation actuelle ne suffit pas à relever le défi du développement des 50 parcs éoliens d’ici à 2050. Cependant, le Danemark et, dans une moindre mesure, les Pays-Bas ont mis en place une structure unique appelée « one-stop shop » qui gère la planification spatiale, les études environnementales, les appels d’offres et la délivrance des autorisations administratives.

Bien que la Cour ne propose pas exactement cette solution, elle souligne la nécessité de doter un grand projet d’une gouvernance et d’une organisation opérationnelle efficaces. Cette structure de projet devrait avoir à la fois autorité et autonomie. Ses missions incluraient la planification des zones d’implantation des 50 parcs, la réalisation d’études préalables sur l’environnement, la participation active au débat public, la coordination interministérielle et, si nécessaire, la préparation d’arbitrages entre différents objectifs de politiques publiques.

La connaissance de l’économie des parcs éoliens par l’administration est aujourd’hui insuffisante.

Depuis 2014, aucune analyse approfondie sur les données réelles et comptables des parcs éoliens n’a été réalisée par les autorités compétentes. Ni Aucun contrôle administratif sur les comptes des parcs éoliens n’a eu lieu pendant la période examinée, ce qui souligne un besoin de surveillance plus rigoureux.

Il est ainsi suggéré que les entités administratives telles que la DGEC, la CRE et EDF OA collaborent pour collecter et examiner les données financières des parcs éoliens afin de proposer des ajustements tarifaires et, si nécessaire, d’agir contre les rentabilités excessives.

Il est mentionné que malgré les recommandations des rapports précédents, l’économie des parcs éoliens reste mal connue. Aucune analyse récente n’a été menée sur des données réelles et comptables provenant d’un échantillon suffisant de parcs.

L’administration n’a pas effectué de contrôle sur les comptes des parcs éoliens aidés durant la période contrôlée. Il est suggéré que les entités concernées (DGEC, CRE, EDF OA) devraient collaborer pour recueillir et analyser les comptes et la rentabilité des parcs.

Les obligations de publication des aides accordées ne sont que partiellement remplies. Il est recommandé d’améliorer la transparence pour que les informations sur les soutiens financiers et les changements de propriété soient accessibles au public.

Ces points soulignent la nécessité d’une meilleure connaissance et d’un contrôle plus rigoureux de l’économie des parcs éoliens pour assurer une gestion efficace et transparente des aides publiques.

Source : Observations définitives Les soutiens à l’éolien terrestre et maritime (ccomptes.fr)