[Jurisprudence CIR] Eligibilité des projets au CIR dans le cas d’un groupe de sociétés

Il ne suffit pas qu’un projet soit déclaré éligible au CIR par un rapport d’expertise pour pouvoir prétendre à son bénéfice. Il faut être en mesure de démontrer son implication directe.

La CAA de Douai a, en effet, jugé inéligibles les dépenses déclarées par une société au titre de sa participation à un projet mené par une société appartement au même groupe qu’elle, dont un rapport concluait à l’éligibilité, au motif de l’absence de justification de sa contribution.

Les faits

Dans cette affaire, la société Asi Conseils, qui exerce une activité de conseil, de vente et de prestations informatiques, demande le remboursement d’un CIR dont les dépenses avaient été déclarées non éligibles par l’administration fiscale au cours d’une vérification de comptabilité.

Par un jugement n°1801568 du 2 juillet 2021, le TA de Lille a rejeté sa demande.

En l’espèce, la société requérante a sollicité le bénéfice du CIR en raison de sa participation à un projet d’analyse prévisionnelle de sûreté de fonctionnement par retour d’expérience applicable à des harnais avioniques équipés, dont l’éligibilité avait été validée par un rapport d’expertise. Toutefois, ce rapport d’expertise avait été établi au bénéfice d’une autre société appartenant au même groupe que la société requérante.

Le jugement de la Cour

Après avoir rappelé qu’il appartient au juge de l’impôt de constater, au vu de l’instruction du litige, qu’une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir des dispositions du CIR, la Cour rejette la requête de la société requérante pour les raisons suivantes :

Concernant l’éligibilité du projet 

La Cour indique que :

  1. Le rapport d’expertise validant l’éligibilité du projet au CIR ne mentionne pas la société requérante (qui au demeurant n’a pas la même activité que celle expertisée) comme étant une des sociétés du groupe participant à ce projet.
  2. Par ailleurs, l’objet du projet porté par la société requérante est différent de celui figurant dans ce rapport d’expertise. Et la documentation support établie par la société n’a pas été fournie par elle en 1ère ni en 2nde instance).
  3. De plus, la société requérante ne fournit pas d’éléments justificatifs quant au développement des travaux qu’elle a effectués au cours de l’exercice en question, ni quant aux travaux finaux réalisés sur ce projet.
  4. Enfin, les pièces justificatives produites à l’occasion de la procédure de vérification ne font pas état du projet.

La Cour juge donc que l’administration n’a pas fait d’erreur en considérant que les dépenses dont la société Asi Conseils faisait état n’étaient pas éligibles au CIR (considérant 4).

Concernant l’éligibilité des dépenses de personnel 

La société requérante souhaite valoriser des personnels affectés à la recherche à raison de 90% de leur temps de travail. Elle produit pour preuve un tableau récapitulatif des personnels. Il est à noter que ces salariés ne sont pas employés en qualité de chercheurs.  

En l’absence de justification de la quotité effective de travail réalisé dans le cadre du projet en question, la Cour juge qu’il n’existe pas d’élément justifiant « de la réalité et du lien des dépenses de personnel avec le projet en cause », et ce, « quand bien même les salariés en cause seraient regardés comme ayant la qualité de chercheurs ou de techniciens » (considérant 5).

Par conséquent, tout comme le TA en première instance, la Cour conclut à l’inéligibilité au CIR des dépenses déclarées par la société requérante pour le projet en question.

Analyse

Deux éléments doivent être retenus de cet arrêt :

  1. Dans le cas de projets transverses entre plusieurs entités d’un même groupe, il faut pouvoir justifier l’éligibilité technique des projets au niveau de chaque entité.
  2. Pour cela, il est capital de produire des justificatifs précis établissant un lien de causalité entre les dépenses de personnel déclarées et le projet. À cet égard, un tableau récapitulatif n’est pas suffisant. Et une appréciation forfaitaire des temps R&D doit reposée sur des bases solides.

Source : CAA de Douai, 16 mars 2023, Asi Conseils, 21DA02127