L’avenir du CIR discuté en Commission des finances à l’Assemblée Nationale

La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a procédé le 1er juin à l’audition de Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Il y a été notamment question du crédit impôt recherche. Une synthèse des propos des trois protagonistes intervenus sur ce sujet est proposée, suivie à chaque fois d’une retranscription des paroles tenues par eux.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial (Recherche

  • Synthèse :

Il rappelle l’augmentation du coût du CIR en 2022, et soutient que cet argent serait plus utile à des chercheurs (publics ?). Il milite aussi pour son verdissement et l’orienter plus en faveur des PME. Le crédit impôt innovation (CII) a également augmenté et s’est positionné à 303 M€ en 2022. L’avantage fiscal lié au statut Jeune Entreprise Innovante a évolué de 12 à 13 M€. Se basant sur un rapport de l’INSEE statuant sur un impact modéré sur l’emploi pour les JEI, le député préconise son évaluation.

  • Compte-rendu des échanges :

Je souhaite désormais m’attarder sur les dépenses fiscales rattachées à ces différents programmes. La principale de ces dépenses fiscales est évidemment le crédit d’impôt recherche (CIR). Son coût a encore augmenté en 2022, dépassant 7 milliards d’euros, en hausse de 10 % par rapport à 2021, un montant significativement différent de celui anticipé pour 2022 (7,4 milliards d’euros). Je rappelle qu’il y a dix ans, ce dispositif ne coûtait que 3,3 milliards d’euros. Autant d’argent pourrait être réorienté vers les organismes de recherche pour apporter des financements récurrents à des chercheurs qui en ont bien besoin et le méritent. Il faudrait à tout le moins verdir le crédit d’impôt recherche, afin d’éviter que l’argent public ne finance des recherches ayant un impact environnemental défavorable, et le cibler davantage sur les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles il est un peu plus utile.

Les autres dépenses fiscales rattachées aux programmes dont je suis rapporteur spécial progressent également, mais à un rythme moins soutenu. Ainsi, le crédit d’impôt en faveur de l’innovation atteint 303 millions d’euros en 2022, contre 280 millions d’euros en 2021. Le volet fiscal du dispositif jeunes entreprises innovantes a progressé de 12 à 13 millions d’euros. Eu égard à la dépense dynamique de ce dispositif, dont le coût a augmenté d’environ 6 % par an entre 2018 et 2022, la Cour des comptes a recommandé de poursuivre une évaluation plus précise de ses effets et d’étudier un resserrement de ses paramètres. Je m’associe pleinement à cette recommandation, car une récente étude de l’INSEE a conclu à un effet faible et incertain sur l’emploi des entreprises bénéficiaires d’un tel dispositif. En effet, le dispositif n’aurait aucun effet sur l’emploi des entreprises ayant recours au dispositif à partir de la quatrième année d’existence et jamais d’effet sur la rémunération versée aux salariés. De manière générale, j’appelle, comme la Cour des comptes, à évaluer systématiquement l’efficacité des dépenses fiscales et sociales et leur bornage dans le temps.

M. le président Éric Coquerel

  • Synthèse :

Il déplore le coût important du CIR.

  • Compte-rendu des échanges :

Je souhaite dire quelques mots d’un bilan que je ne trouve pas positif au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. […] Nous pouvons avoir des discussions sur l’efficacité du crédit d’impôt recherche, mais malheureusement, depuis de nombreuses années, il a un coût et des conséquences sur la recherche publique en France. C’est pour moi un problème fondamental. À certains moments, nous avons besoin d’une recherche qui n’est pas immédiatement profitable.

Mme Sylvie Retailleau, ministre

  • Synthèse :

Madame la Ministre rappelle l’attractivité de la France et la répartition des sociétés déclarant du CIR, dominée à 83% par des PME pour 28% de la créance de CIR mais appelle à continuer de les aider à bénéficier de ce dispositif. Elle met en exergue les difficultés à établir un CIR vert et met en avant le besoin de stabilité pour les sociétés. Elle insiste par ailleurs sur le rôle du CIR dans l’atteinte des 3% du PIB consacrés à la recherche.

  • Compte-rendu des échanges :

En ce qui concerne le crédit d’impôt recherche, il est important que celui-ci participe à l’attractivité des PME. Je rappelle que la France est, en Europe, le pays le plus attractif. Les 15 700 entreprises déclarantes sont composées de 12 900 PME, 2 200 ETI et 500 grandes entreprises. 83 % des déclarants sont des PME pour 28 % de la créance et leur poids dans la R&D privée est de 19 %. Il n’y a donc pas de déséquilibre. En revanche, il est nécessaire de continuer de les aider à être présentes sur ce crédit d’impôt recherche. Sur le sujet du verdissement du crédit d’impôt recherche, l’intention est louable. Nous incitons à une R&D verte, mais nous n’avons pas la réponse à un certain nombre de questions (être capable de connaître a priori l’impact environnemental sur les travaux de recherche, définir ce qu’est une R&D verte, comment positionner la priorité de la santé) pour définir des critères de R&D verte du point de vue du crédit d’impôt recherche. Le CIR doit présenter une certaine stabilité ; nous ne devons donc le modifier que sur des éléments que nous sommes certains de pouvoir évaluer. Je vous rejoins sur les constats de l’OST et l’objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche, aussi bien publique que privée. Le CIR est aussi un moyen d’y parvenir. Ce n’est pas un investissement en dehors de la R&D, puisque sur 3 %, 2 % correspondent à de la R&D privée. Ces constats ont présidé à la LPR, qui doit poursuivre sa trajectoire. Nous allons vous en présenter un bilan, qui sera accompagné de propositions.