[Jurisprudence CIR] Modalités d’exercice du droit de contrôle du CIR par le MESRI

La CAA de Versailles décharge la société requérante des rappels de CIR afférents à des prestations de sous-traitances au motif du non-respect par l’expert du MESRI des garanties procédurales encadrant son intervention lors d’un contrôle CIR.

Les faits

Dans cette affaire, la société Secobra Recherches, qui exerce une activité de développement de nouvelles variétés de céréales à paille, conteste la remise en cause par l’administration fiscale de l’éligibilité au titre du CIR de dépenses de sous-traitance.

Par un jugement n° 1906921 du 12 octobre 2021, le TA de Versailles a déchargé la société des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, à l’exception des rappels de CIR résultants de dépenses de sous-traitance facturées par une société liée du fait de l’absence de pièces justificatives.

La société requérante a donc fait appel de ce jugement en fondant son action sur la méconnaissance des dispositions de l’article 57 et de l’article R.45 B-1 du livre des procédures fiscales (LPF).

Pour rappel, les dispositions de l’article R.45 B-1 LPF régissent les modalités d’intervention des agents du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) lors d’un contrôle CIR, à la demande de l’administration des impôts ou à l’initiative du Ministère.

Aux termes de cet article, les agents du MESRI sont tenus d’envoyer à l’entreprise contrôlée une demande d’éléments justificatifs à laquelle cette dernière doit répondre dans un délai de 30 jours (éventuellement prorogé de la même durée à sa demande). Si les éléments fournis par l’entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener à bien l’expertise, l’agent chargé du contrôle peut envoyer à l’entreprise contrôlée une seconde demande d’informations. À cette étape, l’entreprise a la faculté de demander un entretien afin de clarifier les conditions d’éligibilité des dépenses.

L’avis rendu à l’issue du contrôle réalisé doit être motivé lorsque la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt est contestée.

La Cour rappelle que le bien-fondé de l’imposition est remis en cause dès lors qu’il est établi que la méconnaissance des dispositions de l’article R.45 B-1 LPF a eu pour conséquence de priver la société d’une garantie.

En l’espèce, l’agent du MESRI avait rejeté les dépenses de sous-traitance contestées au motif de l’absence de description des prestations de sous-traitance parmi les justificatifs transmis.

Le jugement de la Cour

Il résulte de l’instruction que l’éligibilité des dépenses de sous-traitance contestées a été rejetée sans que la transmission de documents concernant les prestations des sous-traitants n’aient été précisément demandés à la société (considérant 4).

Par conséquent, la Cour juge qu’ « Une telle omission a privé la société requérante d’une garantie », et ce, même si le motif de rejet adopté par l’administration fiscale repose finalement sur l’absence d’agrément de la société sous-traitante et non plus sur l’absence de pièces justificatives (considérant 4). 

La société Secobra Recherches était donc fondée à demander la décharge des rappels de crédit d’impôt recherche concernant les prestations facturées.

Analyse

Il faut retenir de cet arrêt qu’une société peut se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions procédurales ayant eu pour conséquence de la priver d’une garantie afin d’obtenir l’annulation d’un redressement lié au rejet de l’éligibilité de projets, quand bien même l’administration fiscale aurait motivé sa décision sur un autre fondement.

Source : CAA de Versailles, 23 mai 2023, SAS Secobra Recherches, 21VE03300