[Etude] Start-ups innovantes : la France, leader européen du financement selon l’OEB
Selon une étude récente de l’OEB (Office Européen des Brevets), la France se classe en première position parmi les pays européens en matière de financement des start-ups technologiques, gagnant ainsi une place par rapport à l’année précédente. Une dynamique portée par un écosystème public solide et une culture croissante de la propriété intellectuelle. Mais cette avance masque des défis persistants, notamment le manque de capital privé dans les phases de croissance.
Brevets et capital-risque : un lien établi
Dans un environnement où les entreprises technologiques peinent à réunir les financements nécessaires à leur développement, la propriété intellectuelle (PI) joue un rôle de plus en plus décisif. En effet, elle constitue à la fois un outil de protection des innovations mais également un signal de crédibilité pour les investisseurs.
L’étude conjointe de l’Office Européen des Brevets (OEB) et de l’EUIPO, relayée par l’INPI début 2024, confirme qu’un dépôt de brevet ou de marque augmente significativement les chances d’une start-up d’obtenir un financement en capital-risque, notamment lorsqu’il intervient dès les premières phases du projet.
Un écosystème européen déséquilibré
Le contexte européen en matière de financement des start-ups innovantes montre un profil contrasté. Malgré un bon niveau d’épargne, beaucoup de pays européens peinent à mobiliser suffisamment de capital privé dans les secteurs deeptech, et plus particulièrement en phase de scale-up (séries B et C), essentielles à la structuration et à l’industrialisation des start-ups. Les financements publics interviennent principalement en amont, au stade de l’amorçage, mais trouvent encore difficilement des relais privés pour accompagner la croissance des entreprises.
Cas concret : le virage manqué de Lightyear
L’étude de l’OEB illustre ces fragilités avec le cas de Lightyear, start-up néerlandaise ayant développé une voiture solaire dotée de plusieurs innovations protégées par brevet. Malgré une levée de fonds initiale réussie et un soutien public important (Invest-NL, Horizon Europe), l’entreprise n’a pas pu réunir les capitaux nécessaires pour passer à la production industrielle. Le portefeuille de brevets, bien valorisé, n’a pas suffi à compenser l’absence d’investisseurs privés sur le long terme.
Ce type de trajectoire souligne les limites du modèle actuel : une innovation protégée ne garantit pas l’accès du capital, surtout dans les secteurs où les besoins de financement sont élevés et étalés dans le temps.
Une première place française méritée mais fragile
L’étude « Mapping Investors for European Innovators » publiée par l’OEB en janvier 2025 révèle que la France gagne une place au classement et occupe désormais la première place en Europe sur plusieurs indicateurs clés de financement des startups technologiques :
- Présence d’acteurs à haut TIS (Technology Investor Score) : certains investisseurs ont un portefeuille très fortement orienté vers des entreprises brevetantes, traduisant une réelle spécialisation technologique et un engagement envers les start–ups innovantes.
- Volume de transactions dans les start–ups innovantes : enregistrement d’un grand nombre d’opérations de financement dans les jeunes entreprises technologiques.
Néanmoins, comme évoqué précédemment, en France comme ailleurs, les investisseurs privés à fort TIS restent peu nombreux, et concentrés sur les phases précoces.
Ce qui distingue la France de ses voisins, c’est sa capacité à compenser partiellement ce déséquilibre grâce à une mobilisation structurée de ses outils publics. Un réseau dense d’acteurs – Bpifrance, le fonds French Tech Seed, les pôles de compétitivité ou encore les fonds régionaux – soutient activement les start-ups à fort contenu technologique. Ces dispositifs ciblent spécifiquement les projets à impact ou à haute intensité technologique ou à impact, en cohérence avec les priorités européennes.
Le Royaume-Uni, deuxième du classement, dispose d’un écosystème privé dynamique, avec un tissu important d’investisseurs spécialisés dans le capital-risque, contrairement aux tendances européennes. Ceux-ci interviennent principalement sur les phases précoces et intermédiaires, et certains sont actifs en scale-up. Toutefois, cette dynamique repose moins sur une logique d’orientation technologique ou de spécialisation autour des brevets, ce qui peut expliquer un TIS plus faible que celui observé chez certains acteurs publics français.
L’Allemagne, troisième du podium, affiche un volume d’investissement globalement équivalent à celui de la France, mais son système repose davantage sur des mécanismes de financement traditionnels, notamment bancaires. Ce modèle, bien qu’efficace pour soutenir l’innovation industrielle, s’avère moins réactif pour accompagner les jeunes entreprises dans des secteurs de rupture nécessitant des prises de risque importantes et un capital patient.
Recommandations des experts
Deux rapports de l’OEB et de l’INPI sur le sujet suggèrent plusieurs pistes d’amélioration, utiles pour renforcer l’écosystème européen et notamment français :
Mobiliser les brevets comme levier stratégique de financement
– Intégrer la PI dans les dossiers de levée de fonds comme un actif structurant ;
– Encourager les start–ups à déposer tôt et à adopter une stratégie de PI adaptée à leur marché.
Renforcer les passerelles public-privé dans le financement
– Soutenir les initiatives de co-investissement entre agences publiques (Bpifrance, EIC…) et fonds privés ;
– Promouvoir des outils de cartographie comme le Deep Tech Finder pour faciliter les mises en relation.
Développer l’investissement privé dans les phases de croissance
– Favoriser l’émergence de fonds à haut TIS en France ;
– Mettre en place des incitations ciblées pour attirer les investisseurs vers les start–ups brevetantes en série B ou C.
Une première place qui appelle à être consolidée
La France peut se prévaloir d’une position solide dans le financement des startups innovantes en Europe. Mais cette première place repose encore largement sur des dispositifs publics. Le renforcement de l’investissement privé, l’accompagnement des entreprises dans leur stratégie de PI et une meilleure structuration du financement en phase de croissance seront des leviers essentiels pour transformer cette avance en résultats pérennes.
Sources :
Étude conjointe OEB–EUIPO sur brevets et capital-risque : Les start-ups qui possèdent des brevets et des marques ont dix fois plus de chances d’obtenir un financement, selon une nouvelle étude | epo.org
Office Européen des Brevets (OEB), Mapping Investors for European Innovators, janvier 2025 : Financement des start-up européennes la France en tête du classement de l’OEB .pdf
Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), La France en tête du classement de l’OEB sur le financement des startups européennes, 2024 : Financement des start-up européennes : la France en tête du classement de l’OEB