La Cour des comptes recommande une maîtrise plus rigoureuse des niches fiscales et un recentrage du CIR pour le projet de loi de finances pour 2024

Le 6 juillet 2023, la Cour des comptes a publié une note thématique, intitulée « Piloter et évaluer les dépenses fiscales », dans laquelle elle préconise une évaluation systématique et un pilotage plus affirmé des niches fiscales, et en particulier des dispositifs consacrés au soutien à l’innovation et à la recherche.

Dans le contexte de la revue des dépenses initiée par le ministre de l’Économie en préparation du projet de loi de finances pour 2024, la Cour des comptes a publié neuf notes thématiques destinées à conseiller le Gouvernement. Parmi elles, la note « Piloter et évaluer les dépenses fiscales » est consacrée au sujet des niches fiscales.

La Cour des comptes relève que les niches fiscales ont un poids croissant dans le budget de l’État, sans avoir toutes démontré leur efficacité

Selon la définition officielle donnée par le rapport des dépenses fiscales annexé au projet de loi de finances, les niches fiscales ou dépenses fiscales correspondent aux « dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui résulterait de l’application de la norme » (tome II du rapport sur les « voies et moyens »). Sont considérés en pratique comme des niches fiscales les dispositifs figurant sur la liste du même rapport, dont le CIR.

Dans sa note thématique, la Cour des comptes rappelle que 465 dispositifs ont été recensés en 2022, avec un coût total évalué à 94,2 Md€ soit une hausse de 16% en volume sur dix ans. Selon la loi de finances pour 2023, le CIR représente la niche fiscale la plus importante en 2022 avec un coût de 7 031 Md€.

Elle note que leur efficacité n’est pas systématiquement démontrée. Elle déplore notamment le fait que « les programmes d’évaluation fixés par les dernières lois de programmation des finances publiques n’ont pas été respectés ».

Face à ce double constant, la Cour des comptes rappelle l’enjeu que la maîtrise du coût des niches fiscales représente pour le respect de la nouvelle trajectoire des finances publiques. Le programme de stabilité présenté par le Gouvernement en avril 2023 prévoit en effet une évolution du déficit public convergeant vers 2,7 % du PIB à l’horizon 2027. En parallèle, les nouvelles règles du Pacte de stabilité et de croissance proposées par la Commission européenne, qui devraient être adoptées d’ici 2024, renforcent cette nécessité puisqu’elles seront fondées sur la surveillance d’un unique indicateur constitué de la quasi-totalité des dépenses publiques et des mesures fiscales nouvelles, dont font partie les niches fiscales.

En conséquence, la Cour des comptes formule quatre recommandations pour maîtriser le coût des niches fiscales

Pour la Cour des comptes, afin de mieux maîtriser le coût des niches fiscales, il est nécessaire de les considérer comme des dépenses budgétaires ordinaires soumises à des standards d’évaluation plus rigoureuses.

Elle formule quatre recommandations :

  1. Instituer un mécanisme de plafonnement du coût des dépenses fiscales sur la période 2023-2027.
  2. Assigner aux conférences fiscales annuelles un objectif explicite de pilotage et de rationalisation des dépenses fiscales.
  3. Limiter la durée de toute nouvelle dépense fiscale à quatre ans.
  4. Dans le cadre des revues de dépenses, programmer l’évaluation exhaustive de l’ensemble des dépenses fiscales à l’horizon 2027, en plaçant ces travaux sous la responsabilité d’un comité ad hoc.
Il est à noter que la Cour des comptes invite à porter une attention particulière au CIR

En raison de l’importance de leur montant et de leur nombre, la Cour des comptes recommande d’examiner à brève échéance les dispositifs consacrés au soutien à l’innovation et à la recherche. Elle vise notamment à « un ciblage resserré » du CIR.

Suivant les conclusions des rapports de la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation [1] (CNEPI) et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) [2], elle préconise un recentrage du CIR sur les PME.

Le projet de loi de finances pour 2024 sera formellement présenté en septembre 2023. Les derniers arbitrages et cadrages sont actuellement en cours au sein du Gouvernement, Bruno Le Maire venant de déclarer que la trajectoire des baisses d’impôts serait fonction de la croissance économique. Dans l’hypothèse d’un texte allant dans le sens d’une restriction du champ du CIR, il conviendra de suivre attentivement les débats parlementaires. Pour rappel, l’avenir du CIR avait été discuté en juin à l’Assemblée nationale, avec une intervention de la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui avait plaidé pour la « stabilité » du dispositif.


[1] « Évaluation du Crédit d’impôt recherche », CNEPI 2021

[2] « Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire », CPO, 2022