[Jurisprudence CIR] Régime Jeune docteur – Le Conseil d’État pose un nouveau principe

Article co-écrit par Grégoire Le Roy et Paul-Arthur Lemoine

La société requérante demande la restitution de son CIR au titre des années 2016 et 2017, remis en cause par l’administration fiscale à raison des dépenses de personnel liées à deux jeunes docteurs.

Les deux salariés ont en effet été embauchés en CDI antérieurement à l’obtention de leur doctorat. Un avenant à leur contrat de travail n’avait pas été signé une fois leur titre de docteur obtenu.

Pour rappel, le C du II de l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI) dispose que les dépenses de personnel qui se rapportent à des personnes titulaires d’un doctorat sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les 24 premiers mois suivant leur premier recrutement en CDI, à condition que l’effectif salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente.

Le BOFiP (BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 §210- 220) précise que la notion de « premier recrutement » doit être comprise comme « le premier contrat de travail à durée indéterminée (CDI) conclu postérieurement à son doctorat par un jeune docteur pour des fonctions liées à son niveau de diplôme, quel que soit le lieu de recrutement (en France ou à l’étranger). »

 Si le Jeune docteur a déjà conclu dans l’entreprise un CDI avant l’obtention de son doctorat, le BOFiP indique que le premier recrutement commence soit :

  • À la date à laquelle il signe un avenant reconnaissant sa qualité de docteur suite à l’obtention du doctorat ;
  • À la date prévue dans le contrat initial, qui détermine la reconnaissance de la qualité de docteur suite à l’obtention du doctorat (sans que cette date puisse être antérieure à l’obtention effective du doctorat).

Conformément à la doctrine administrative, les tribunaux administratifs ont jugé de manière constante que ne sont pas éligibles au statut Jeune docteur les salariés embauchés avant la date d’obtention de leur doctorat et pour lesquels un nouveau contrat ou avenant n’a pas été signé après celle-ci.

Cela a été le cas en 2023 dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris, contesté en l’espèce par la société requérante (CAA de Paris, 31 mai 2023, Awalee Consulting).

Précédemment, il avait même été jugé qu’une augmentation de salaire ne constituait pas un avenant implicite (CAA de Nancy, 29 décembre 2020, SAS Novalix 18NC02350-18NC02351-18NC02352).

Dans sa décision du 31 mai 2024, le Conseil d’État censure pour erreur de droit l’arrêt précité de la CAA de Paris de 2023, et juge que le fait que les salariés aient signés un CDI avant l’obtention de leur doctorat ne fait pas obstacle à la prise en compte de leurs rémunérations à hauteur du double de leur rémunération pendant la période allant de l’obtention de leur doctorat à la fin du 24e mois suivant leur recrutement en CDI.

Ainsi, il pose le principe selon lequel lorsque l’obtention du doctorat est postérieure à l’embauche en CDI, et même en l’absence d’avenant, les dépenses de personnels peuvent être prises en compte pour le double de leur montant à compter de la date d’obtention de leur doctorat (et non pas de la date d’embauche).

C’est un arrêt qui était attendu, tant l’administration porte son attention sur ce critère lors des contrôles menés lorsque des jeunes docteurs sont valorisés. Ainsi la position du BOFIP, qui pouvait être lourde à mettre en place, apporte un peu plus de fluidité et de soulagement pour les entreprises. Les contribuables concernés par un tel redressement peuvent faire valoir leur droit.

Le Conseil d’État fait démarrer le délai des 24 mois du dispositif à la date d’embauche, attention donc pour les entreprises concernées à bien considérer cette nouvelle donne.

Source : Conseil d’État, 31 mai 2024,  SAS Awalee Consulting, 476354