Le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan se penche sur les montants et catégories des aides publiques.
Quelques semaines après le Sénat, cet organisme public d’analyse apporte son point de vue sur les difficultés de chiffrer l’aide publique en France. S’il ne critique pas les propositions du Sénat, les remarques de l’auteur éclairent le rapport du Sénat. Que retenir ?
Sans surprise, il est remarqué qu’il n’existe pas de consensus sur ce qu’est une « aide aux entreprises » ni sur son périmètre exact.
Deux approches principales peuvent être faites :
- Périmètre européen (aides d’État), qui fait l’objet d’une définition stricte en droit de l’Union européenne. 45 milliards en incluant les aides Covid
- Périmètre plus large, incluant subventions, dépenses fiscales, aides financières et exonérations de cotisations sociales (y compris générales). 112 milliards d’euros.
Périmètre européen :
- Pour 2022, les aides d’État en France s’élèvent à 45 milliards d’euros (ou 25 milliards hors mesures Covid)
- Dans l’Union Européenne (UE), la France est 2nd contribuable d’aides en valeur absolue, derrière l’Allemagne (73,7 milliards). La France représente 19,6% du total des aides d’Etat dans l’UE.
- Rapporté au PIB, elle se positionne en 3ᵉ place (1,7 % du PIB), derrière la Hongrie (2,09 %) et l’Allemagne (1,9 %)
- Décomposition par catégorie (année 2022) :
- Subventions : 15,9 milliards (12,6 si on exclut les aides de crise).
- Aides financières (prêts, garanties, participations) : 17,3 milliards (ex. PGE Résilience, recapitalisation Air France).
- Aides fiscales ciblées : 8,4 milliards.
- Exonérations sociales ciblées : 3,2 milliards
Périmètre élargi :
Cette approche plus vaste intègre :
- Dépenses budgétaires (subventions, etc.) : 39,4 milliards (sur 175 mesures dont 11 dépassent 1 milliard d’euros et la moitié du coût total). Si on ajoute les exonérations de cotisations sociales compensées par l’État (28 mesures), cela monte à 45,1 milliards.
- Dépenses fiscales : 52 milliards (dont 23 milliards d’IS et 23 milliards de TVA réduite).
- Exonérations de cotisations sociales : 73,7 milliards pour 40 dispositifs. 10 mesures supérieures à 700 M€ représentent 96% du total.
- Aides financières : 17,3 milliards
- Aides des collectivités : 7 milliards
- Subventions européennes : 10 milliards, notamment la PAC
- Certaines dépenses fiscales “déclassées” non qualifiées officiellement d’aides – comme le régime mères-filles (29 milliards) ou l’intégration fiscale (16 milliards) ─ sont discutées, mais parfois exclues selon les analyses.
L’auteur compte près de 112 milliards d’euros d’aides aux entreprises en 2023 en France :

Disparités d’estimations selon les périmètres
Diverses évaluations montrent des écarts significatifs :
- France Stratégie (2020) : entre 139 et 223 milliards d’euros selon le périmètre
- IRES (2022) : 157 milliards d’euros (sources comptabilité nationale)
- IGF (2024) : 88 milliards (105 en incluant aides locales et européennes), périmètre restreint excluant les exonérations générales
- Sénat (2025) : deux estimations pour 2023 — 211 milliards (large périmètre incluant Bpifrance, dépenses fiscales déclassées, cotisations) ; et 108 milliards (périmètre plus restreint)
Ces écarts reflètent des différences de périmètres définitoires, notamment selon que l’on intègre ou non les dispositifs considérés comme “norme” ou les aides indirectes.
L’estimation de 112 milliards d’euros par le Haut-Commissariat au Plan est donc assez proche de celle du périmètre restreint du Sénat.
Principales difficultés méthodologiques
Deux obstacles clés :
- Multiplicité et volume des dispositifs : environ 175 mesures budgétaires, 234 fiscales, 40 sociales, souvent de montants modestes ou non chiffrées précisément
- Complexité d’évaluation : calcul basé sur le différentiel entre mesures dérogatoires et les normes fiscales/sociales – sans prendre en compte les effets économiques positifs induits (notamment sur l’emploi, la R&D, l’investissement)
Recommandations
- Améliorer la transparence, la clarté, le recensement et l’évaluation des dispositifs, ce qui permettra d’améliorer l’efficacité de la dépense publique
- Simplifier la gouvernance des aides et favoriser une meilleure information pour les entreprises et les citoyens, la multiplicité des dispositifs favorisant les grandes entreprises qui maitrisent mieux cette complexité administrative
- Mieux identifier l’efficacité économique de ces aides au-delà de leur simple coût budgétaire car les estimations ne tiennent pas toujours compte des effets induits des aides sur l’économie, ce qui peut sous-estimer leur impact positif
Source :
Classement des aides : https://www.strategie-plan.gouv.fr/files/files/Publications/2025/2025-07-17%20-%20NA%20157%20-%20Aides%20aux%20entreprises/HCSP-2025-NA157-Annexe_17juillet11h.pdf