BOFIP : l’administration publie la doctrine relative au Crédit d’impôt pour la recherche collaborative (CICO)

Enfin, après de nombreux mois d’attente, et alors que la plupart des sociétés ont déjà comptabilisé leur montant de CIR, l’administration a mis en ligne le 13 avril en fin de journée les commentaires sur ce nouveau dispositif qu’est le CICO. Rappelons qu’il a été créé pour palier en partie la fin du doublement des dépenses provenant d’organismes publics et qu’il est plafonné à 6 M€ de dépenses éligibles par année.

Nous en dressons une synthèse des éléments qui apportent des précisions par rapport à la loi et au décret d’application n° 2022-1006 du 15 juillet 2022.

Les textes sont référencés au numéro suivant : BOI-BIC-RICI-10-15.

Premièrement, l’ensemble des publications sont soumises à une consultation publique entre le 13 avril et le 31 mai, permettant d’adresser des remarques ou contributions signées à l’administration (bureau.b2-dlf@dgfip.finances.gouv.fr).

5 grandes thématiques sont traitées :

  • les entreprises éligibles et organismes de recherche concernés ;
  • les dépenses de recherche collaborative éligibles ;
  • la détermination du crédit d’impôt ;
  • l’utilisation du crédit d’impôt ;
  • les obligations déclaratives et le contrôle du crédit d’impôt.

L’administration a ajouté une dernière section relative à l’application des taux du CIR et de CICO, notamment par rapport à l’application du seuil des 100 M€, illustrant avec un exemple la combinaison de ces deux dispositifs : si une entreprise a exposé 98 M€ de dépenses éligibles au CIR et 6 M€ de dépenses éligibles au CICO, soit 104 M€ de CIR+CICO au total. L’administration prévoit de préserver le CICO dans cette situation : il serait égal à 2,4 M€ (6 M€ x 40%) ; et le CIR serait de 28,4 M€ (94 M€ x 30 % + 4 M€ x 5 % dépassant le seuil des 100 M€).

Pour en revenir aux 5 grandes sections :

Sans surprise, le bénéfice du CICO est ouvert à toute sorte d’organisme, quel que soit leur mode d’exploitation. Il y est notamment précisé que les associations professionnelles peuvent en profiter dès lors qu’elles exercent des activités lucratives de nature industrielle, commerciale ou agricole.

Sont en revanche exclues du dispositif les entreprises individuelles qui exercent une activité libérale, les entreprises en difficulté selon certains critères énoncés et, conformément à un règlement de l’Union Européenne, les entreprises faisant l’objet d’une injonction de récupération d’aide non exécutée, émise dans une décision antérieure de la Commission européenne déclarant une aide octroyée illégale et incompatible avec le marché intérieur.

Informations sur les organismes ORDC qui facturent aux entreprises bénéficiaires :

L’administration reprend la définition européenne d’ORDC et insiste sur le fait que l’ORDC doit respecter les trois conditions cumulatives suivantes :

  • exercer des activités de recherche et développement (R&D) ;
  • exercer ces activités de manière indépendante ;
  • exercer à titre prépondérant des activités non économiques

et développe plus particulièrement les notions d’indépendance et d’activité économique et non économique.

Le processus d’agrément est aussi mentionné, sans surprise par rapport au décret n° 2022-1006 du 15 juillet 2022.

Le Bofip définit que sont éligibles les opérations de recherche fondamentale, appliquée, ou de développement expérimental, en faisant référence au Manuel de Frascati, et à la définition de ces activités dans le cadre du CIR.

Sont aussi définis les coûts admissibles au CICO : les frais de personnel, le coût des instruments et du matériel, le coût des bâtiments et terrains, le coût de la recherche contractuelle, des connaissances et des brevets achetés ou sous licence, les frais généraux. Ces coûts doivent être identifiables dans le contrat, annexes, et factures.

Une partie est ensuite dédiée aux contrats et projets concernés :

  • La notion de collaboration de recherche effective est définie : elle doit faire intervenir au moins deux parties indépendantes ; elle est destinée à atteindre un objectif commun ; elle est fondée sur une division du travail impliquant que les parties définissent conjointement la portée du projet collaboratif, contribuent à sa réalisation et en partagent les risques et les résultats.
  • L’administration précise que les contrats de recherche et la fourniture de services de recherche ne sont pas considérés comme des formes de collaboration.

Le contrat de collaboration de recherche peut prendre la forme :

  • d’un contrat de collaboration de recherche ou contrat de recherche partenariale ;
  • d’un contrat d’application (ou contrat de collaboration simplifié) conclu en application d’un accord-cadre qui peut être pluriannuel.

Le CICO peut s’appliquer aux avenants apportés aux contrats de collaboration conclus avant le 1er janvier 2022 s’ils satisfont aux conditions cumulatives suivantes :

  • ils sont signés à compter du 1er janvier 2022 ;
  • ils remplissent l’ensemble des conditions prévues au C du I de l’article 244 quater B bis du CGI (qui liste les critères pour appliquer le CICO) ;
  • ils portent sur des travaux de recherche nouveaux, non mentionnés dans le contrat de collaboration antérieurement conclu.

Sur la notion de coût de revient :

L’ORDC est censé facturer les dépenses exposées à leur coût de revient, que l’administration définit de la sorte : la somme de tout ou partie des coûts directs et indirects supportés par l’entité qui réalise une opération de recherche, à l’exclusion de toute marge commerciale. Les coûts admissibles sont ceux listés précédemment.

Lorsque les coûts, notamment indirects, rapportés au projet ne sont pas précisément quantifiables, il revient aux organismes de recherche d’appliquer une clé de répartition ou de s’appuyer sur la méthode de comptabilité analytique dite « des coûts complets » pour déterminer la quote-part de ces dépenses imputable à la réalisation de l’opération de recherche.

Il appartient à l’entreprise d’apporter la preuve que les dépenses déclarées correspondent à des opérations de recherche. À ce titre, les ORDC communiquent à l’entreprise tout document permettant de justifier les coûts facturés.

Sur le calcul des 10% minimums supportés par les ORDC :

Le contrat détaille l’objectif commun poursuivi (objet de l’étude, finalités poursuivies, etc.), décline les modalités d’exécution des travaux, et notamment la répartition des travaux entre les parties, le calendrier de réalisation et les moyens mis en œuvre. Les travaux ne sauraient être pris en charge en totalité par l’ORDC. Le contrat de collaboration et ses annexes détaillent ainsi, notamment, la liste des travaux et des tâches réalisés par l’entreprise.

Le ou les organismes de recherche doivent supporter au moins 10 % des coûts admissibles. Ce seuil de 10 % est calculé par le rapport entre :

  • d’une part les dépenses de recherche effectivement supportées par le ou les organismes de recherche ;
  • d’autre part le total des dépenses de recherche exposées par l’ensemble des parties pour la réalisation des opérations de recherche prévues au contrat de collaboration.

A titre d’illustration, l’administration apporte l’exemple suivant : le total des coûts admissibles d’un projet de recherche est de 1,5 M€ (900 000 € pour l’ORDC ; 600 000 € pour l’entreprise). L’ORDC devant supporter au moins 10% des coûts du projet soit 150 000 €, ne pourra facturer à l’entreprise qu’un maximum de 750 000 € (900 000 € – 150 000 €).

Le contrat de collaboration garantit aux organismes de recherche le droit de publier les résultats de leurs propres recherches conduites dans le cadre de cette collaboration.

Les organismes de recherche peuvent ainsi publier, sous quelque forme que ce soit, et exploiter les résultats des travaux de R&D prévus au contrat qu’ils génèrent seuls.

À titre d’exemples, les résultats propres peuvent correspondre :

  • aux améliorations apportées, notamment, aux connaissances, techniques et/ou scientifiques, savoir-faire, bases de données, logiciels que ces connaissances soient brevetables ou non, brevetées ou non, ainsi que les DPI en découlant appartenant à l’ORDC avant la collaboration ;
  • à tout résultat ou connaissance nouvelle généré par l’ORDC indépendamment du projet commun mais lié à des travaux réalisés dans le cadre du contrat de collaboration.

Le cas échéant, la publication des résultats issus des travaux de recherche obtenus en propre par les organismes de recherche peut être conditionnée à l’information ou l’avis préalable simple de l’entreprise. Cette procédure d’avis simple, si elle est prévue au contrat, permet notamment à l’entreprise de vérifier que la publication ne porte pas sur des résultats communs destinés à être protégés.

Ce droit de publier les résultats de ses propres recherches n’est pas contraignant pour l’ORDC qui dispose de la liberté de leur divulgation, de leur protection par un titre de propriété intellectuelle ou de leur mise au secret.

En cas de collaboration en cascade, l’administration détaille qu’ouvrent droit au CICO les seules dépenses afférentes aux travaux réalisés directement par les organismes de recherche.

Les dépenses afférentes à des travaux de recherche dont la réalisation est confiée par l’ORDC à des prestataires :

  • peuvent le cas échéant être refacturées à l’entreprise mais n’ouvrent pas droit au CICO ;
  • entrent dans les bases de calcul du seuil minimal des 10 % des coûts admissibles supportés par l’organisme de recherche. Elles sont prises en compte au numérateur du ratio si elles ne sont pas refacturées à l’entreprise mais effectivement supportées par l’ORDC.

Ce qui impose que l’entreprise soit parfaitement au courant si l’ORDC sous-traite ou non une partie des travaux qui lui incombent.

Par contre si une partie des travaux de l’ORDC est confiée à un autre ORDC, que cela est prévu au contrat et que les travaux constituent des opérations de recherche ou qu’elles soient nécessaires à l’aboutissement des opérations, les coûts sans marge refacturés à l’entreprise sont éligibles au CICO.

Si une entreprise non agréée CICO se voit confiée des travaux par un ORDC, le déclarant CICO ne pourrait pas valoriser au CICO cette dépense refacturée par l’ORDC mais pourrait la valoriser dans son CIR si le prestataire possède l’agrément et que les activités respectent les conditions d’éligibilité au CIR.

L’administration fiscale anticipe :

  • Les dépenses prises en compte dans l’assiette du crédit d’impôt sont étayées de pièces justificatives claires, spécifiques et contemporaines des faits.
  • L’entreprise tient à la disposition de l’administration tous les éléments justifiant de l’éligibilité des dépenses déclarées au CICO, et particulièrement le contrat de collaboration et ses annexes.
  • En outre, afin de permettre aux entreprises de justifier des montants déclarés, les organismes de recherche leur transmettent tout document permettant d’expliquer les coûts facturés.

Cette dernière mention suppose une transparence assez importante de l’ORDC envers l’entreprise sur le plan du budget du projet. Les ORDC seront-ils tous ouverts à cette transparence ?

L’entreprise ne peut valoriser au CICO les opérations de recherche qu’elle a elle-même réalisées dans le cadre du contrat de collaboration, mais ces dépenses peuvent entrer dans la base de calcul du CIR de l’entreprise.

De même, les dépenses de recherche facturées par les ORDC au-delà de la limite du plafond de 6 M€ peuvent être retenues dans la base de calcul du CIR.

Concernant les subventions :

Dans le cadre du CICO, elles s’entendent des soutiens financiers, remboursables ou non, accordés par les institutions européennes, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère industriel et commercial ou à caractère administratif qui sont alloués au financement des travaux de recherche prévus au contrat de collaboration.

Les prêts à taux zéro innovation (PTZI) distribués par Bpifrance, de par leurs caractéristiques, sont assimilés à une aide publique.

Les dépenses facturées par les ORDC sont minorées de la quote-part des aides publiques reçues pour la réalisation des opérations de recherche scientifique ou technique prévues au contrat de collaboration.

Les dotations de fonctionnement, annuelles et globalisées, allouées sur fonds publics aux ORDC ne sont pas considérées comme des aides publiques pour le CICO.

La quote-part des dépenses exposées par les organismes de recherche financée par des aides publiques n’entre pas dans le quota des 10 % au moins des coûts admissibles devant être supportés par ces organismes de recherche. Par contre, les subventions perçues par l’ORDC doivent être défalquées des montants refacturés à la société.

Seule la fraction de l’aide publique afférente aux travaux ouvrant droit au CICO doit être déduite (même fonctionnement que pour le CIR).

Lorsque l’entreprise bénéficie à la fois du CIR et du CICO au titre du projet de recherche mené en collaboration pour lequel elle perçoit une aide publique, elle déduit l’aide reçue de l’assiette du CIR et de celle du CICO en proportion des dépenses éligibles à l’un et à l’autre des dispositifs (en tenant compte dans le total des coûts supportés de la facturation par l’ORDC). Un exemple vient illustrer ce mécanisme.

Pour les ORDC, l’administration énonce qu’ils ne peuvent retenir dans leur CIR s’ils en déclarent, les montants refacturés à des entreprises pour un contrat de collaboration de recherche.

Il est aussi précisé que les dépenses exposées par l’entreprise pour la réalisation des opérations de recherche prévues au contrat de collaboration et qui correspondent à des dépenses de recherche au sens du CIR, ouvrent droit au CIR.

Cette section n’apporte rien de nouveau par rapport à ce qui est déjà connu pour le CIR. Le fonctionnement est le même.

De même, cette section reprend ce qui est déjà connu pour le CIR sans apporter rien de nouveau.

En conclusion, des réponses sont apportées par l’administration sur des mécaniques propres au calcul du CICO ou à sa jonction avec le CIR.

En revanche, sur le contrôle propre au CICO, peu de précisions sont apportées. Dans quelle limite le contrat est-il suffisant ou à partir de quand un descriptif technique s’avère-t-il nécessaire ?

La notion de coût de revient implique aussi une transparence de l’ORDC envers les entreprises, transparence qui n’est pas garantie. Et dans quelle mesure les ORDC factureront-ils sans marge leurs travaux ?

Espérons que les contributions des acteurs du CICO conduisent l’administration à lever le voile qui demeure encore sur certaines zones du CICO pour que les entreprises s’en saisissent de manière plus sereine.

L’essentiel du CICO :