[Jurisprudence CIR] Déduction de la totalité d’une subvention publique de l’assiette du CIR même si toutes les dépenses financées ne sont pas éligibles

La CAA de Lyon juge, dans un arrêt du 21 septembre 2023, qu’une subvention publique accordée à raison d’une opération ouvrant droit au CIR doit être déduite dans sa totalité de son assiette même si toutes les dépenses qu’elle a servi à financer ne sont pas éligibles, contrairement à ce qu’indique la doctrine fiscale.

Les faits

Le groupe Mentor a conclu une convention de soutien de l’État avec le Fonds de compétitivité des entreprises aux termes de laquelle ce dernier s’est engagé à financer 40% du total des coûts supportés par sa filiale, la SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC), dans le cadre du projet de R&D pour la réalisation duquel elle a été spécialement créée.

Pour le calcul de son CIR, la SARL MGDC a déduit une quote-part correspondant aux seules dépenses éligibles au CIR.

Pour rappel, aux termes du III de l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), « Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables ».

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a considéré qu’elle aurait dû déduire la totalité de la subvention publique perçue. Elle a donc procédé à des rectifications.

La société requérante les conteste en faisant valoir que seule la part de subvention affectée à des dépenses éligibles au CIR ne peut être déduite de la base du CIR. Or les subventions perçues du Fonds de compétitivité des entreprises ont servi à financer des dépenses éligibles au CIR, mais également des dépenses connexes non éligibles (frais de gestion, d’assistance non-technique, de sous-traitance de fabrication de masques et de marketing).

Le jugement de la Cour

La CAA de Lyon juge que la subvention a bien été accordée à la SARL MGDC à raison d’une opération ouvrant droit au CIR au sens du III de l’article 244 quater B CGI, dans la mesure où :

  • Il résulte des termes de la convention de soutien de l’État conclue avec le Fonds de compétitivité des entreprises que la subvention a été versée dans le cadre d’un programme de R&D ;
  • Créée pour participer à ce programme, la seule activité de la SARL MGDC a été de réaliser des services de R&D dans le cadre de celui-ci.

Par suite, elle juge que la subvention doit être « entièrement déduite de la base de calcul du crédit d’impôt recherche dont la SARL MGDC a bénéficié[…], même si toutes les dépenses exposées dans le cadre de cette opération ne sont pas elles-mêmes éligibles au crédit d’impôt recherche».

Analyse

La CAA adopte ici une interprétation du III de l’article 244 quater B CGI qui diffère de celle qu’en donne la doctrine administrative, dans sa version applicable au litige comme dans sa version actuellement en vigueur

Le BOFiP précise, en effet, que « dans l’hypothèse où une entreprise recevrait une subvention afférente à un projet comportant des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt et des opérations n’y ouvrant pas droit, seule la fraction de cette subvention afférente aux opérations ouvrant droit à crédit d’impôt devrait être déduite ».

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que la doctrine fiscale ne donne pas une interprétation définitive de la loi, ce rôle étant dévolu au législateur lui-même ou au juge administratif (le Conseil d’État ayant le dernier mot). Elle n’a qu’un rôle pédagogique d’explicitation d’une norme, qui n’a pas pour effet « de conférer à l’administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi » (avis du CE, Section, 8 mars 2013, Mme B…A…, 353782).

Si elle peut toutefois constituer une garantie opposable en cas de litige, comme le permet l’article L. 80 A CGI dans le cas d’un rehaussement d’impôts, plusieurs conditions doivent être réunies pour pouvoir s’en prévaloir.

En l’espèce, la société requérante ne pouvait se prévaloir des dispositions précitées du BOFiP sur le fondement de l’article L. 80 A CGI, dans la mesure où il relève d’une jurisprudence constante que la décision refusant de rembourser un CIR n’a le caractère ni d’un rehaussement d’imposition ni d’un redressement (CE, 8 novembre 2010, Société ICBT Madinox, 308672).

Source : CAA de Lyon, 21 septembre 2023, SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC), 21LY03203